La neige tombait drue en cette soirée d'Hiver. Le soleil venait de s'échapper par-delà les lointaines montagnes, laissant un groupe d'hommes dans les ténèbres nocturnes. Ils posèrent pied-à-terre; certains déchargèrent les montures tandis que d'autres installaient le camp. Quelques minutes plus tard des flammes dansaient en crépitant. Les voyageurs s'installèrent tout autour, leurs chiens à leur côté.

Sans aucune discrétion, Barry planta son vieux trépieds au dessus du feu de camp et y jeta sa marmite bossue. Cet homme, dont la bedaine conséquente tirait sur son manteau de cuir, marmonnait dans sa barbe de sa voix grave tout en remplissant la cuve de cuivre de poudreuse fraîche.
Autour de lui, les gars ne savaient pas trop ce qu'il pouvait bien raconter, ni ce qu'il faisait. Il fallait avouer qu'ils ne préféraient pas le savoir. Ce bon vieux Barry avait beau être un très bon cuisinier, avec l'âge et tout ce qu'il avait vécu il était certain qu'il n'avait plus toute sa tête. Mais les hommes robustes de sa trempe sont toujours de bonne augure dans un voyage pouvant être périlleux.
En attendant que la neige fonde, Barry tira de sa poche une petit besace de cuir toute abîmée. Il l'ouvrit, y fourra ses gros doigts rougis par le froid et en sorti une bonne pincée d'herbes aux apparences douteuses qu'il jeta dans la casserole, avant de refermer la sacoche et de la remettre à sa place. Il mélangea le contenu de la marmite à l'aide d'une louche tordue, continuant d'ajouter des ingrédients inconnus qu'il sortait de différentes besaces cachées un peu partout dans son manteau. Un agréable fumé commençait à se dégager.

Le bonhomme alla chercher un sac qu'il traîna un sac auprès du feu. Il en sorti une bonne brassée de vieux bols qu'il posa à côté de lui sans délicatesse. Armé de sa louche, il commença à servir tout en grognant.
« Si vous voulez vot' soupe va falloir qu'vous bougez vot' fion, j'suis donc pas vot' serveur moi hein ! Hé, et toi gamin, c'toi donc qu'est d'corvée des bêtes, t'auras ta part quand t'auras fini d'les nourrir. Vas donc ! » Il faut dire que c'était un bourru le vieux Barry. Quant au gamin en question, il s'agissait du jeune Tukker. La bleusaille est toujours utile pour les petites tâches ingrates. L'énergie de la jeunesse est différente, c'est pourquoi Tukker faisait parti du voyage.
Le jeunot ne se le fit pas dire deux fois et se dépêcha de récupérer les gamelles des animaux et de les nourrir un à un. Il savait déjà qu'après le repas, il devrait vérifier qu'ils ne se soient pas blessés pendant le voyage. Qu'ils n'aient pas d'engelures, d'échardes, de coupures, de saignements,... Les compagnons à quatre pattes étaient tout aussi important que leurs propriétaires, car ils étaient des compagnons de chasse.